L'appel du Néant

Salò l’appel du néant, nouvel album 03/2024 ( Genre : Blackened crust indus as fuck)

Groupe : AVS ( Guitares), DLE ( claviers), HCT ( Chant et basse), NGH ( Batterie) Mütterlein (Guest narration des textes)

Ils nous avaient déjà donné un avant goût en 2021 avec leur EP « Sortez vos morts » Salò est de retour en ce printemps 2024 avec son tout premier album « l’appel du néant » dont le titre à lui seul évoque une suite logique à l’atmosphère bien dark que nous avait déjà servi leur très prometteur EP. L’appel du Néant est ce genre d’album dont on devine déjà qu’il va falloir se préparer à entrer dans un univers musical particulier, à l’instar de ces auteurs, dont on apprécie les méfaits. Préparez vous à être secoués émotionnellement par les hurlements , les turpitudes de l’âme, la retranscription parfaite du chaos de l’humanité, le cri d’une époque qui a perdu tous ces repères, une époque dans laquelle l’homme est un loup pour l’homme .Ne craignez pas d’être perturbés par la noirceur des mots, les riffs surannés des guitares , la profondeur des ténèbres dans lesquelles le groupe va vous plonger, c’est une écoute dont vous ne sortirez pas indemnes.

L’album débute sur une introduction des plus glauques, mise en scène par un extrait du film irréversible de Gaspard Noé, où l’on entend une femme se faire agresser sexuellement ( âmes sensibles s’abstenir) on ne pouvait trouver meilleur choix pour illustrer la thématique du titre  » un homme ça ne s’empêche » qui relate un des plus grand malaise de notre société actuelle : celui de la violence envers les femmes (du harcèlement de rue au viol ) toute cette violence physique, psychologique et sexuelle gratuite dont sont victimes les femmes au quotidien. Un homme ça ne s’empêche (ou pas ) dans une société ou la femme est réduite a un simple orifice voire un bout de viande pour certains … en tant que femme je ne le sais que trop bien

L’écoute du titre peut choquer les victimes d’abus sexuels, pour ma part je l’ai été, mais le but étant d’utiliser la violence des mots et de la musique pour faire passer le message. J’espère qu’il est passé ! en tout cas c’était une belle entrée en matière dans le néant, ça m’a carrément donné la chair de poule et glacé le sang. Voyons donc la suite

« Un homme ça ne s’empêche »

Le second titre ( « le goût du sang ») ne m’a pas spécialement marqué ,même si il aborde des thématiques intéressantes telles que la violence endémique, et les pulsions qui nous hantent tous; j’ai apprécié le texte mais je l’ai trouvé quelque peu linéaire musicalement, ceci dit il a le mérite de faire la transition entre le début tonitruant de l’album et ce qui suit, j’ai particulièrement été subjuguée par les riffs malsains de « j’affronte la mort  » et de « Est ce là mon avenir? » couplé à des extraits sonores de l’excellentissime série the handmaid’s tale ( la servante écarlate) tel un écho aux thèmes évoqués, une ode au déclin de notre humanité, notre société décadente en plein malaise, le regain d’autoritarisme, nos libertés individuelles de plus en plus réduites, nos démocraties déguisées ( « liberté surannée ») les guerres fratricides (« il faut qu’ils crèvent ») , cette haine intrinsèque qui sommeille en chacun de nous ( « le goût du sang ») …. brandissant ce concept que j’évoquais plus haut « l’homme est un loup pour l’homme » pour reprendre le philosophe  » Thomas Hobbes  » c’est la rage au ventre que les amis de Cherbourg crient toute leur haine de cette société nauséabonde, cette nausée , ces hauts le coeur, on ne les ressent que trop bien à travers leurs cris de consternation.

Il faut vraiment lire les textes pour comprendre toute cette rage, cette vindicte dégoulinante, jetée à la figure par un hurleur devenu presque fou face au désarroi et au chaos qu’il décrit. Loin de moi, l’idée de vous décrire tous les titres, l’auditeur doit aussi faire son travail et sa propre analyse et surtout vivre sa propre expérience de cette pépite musicale, je vous invite à faire comme moi, c’est à dire lire les textes et écouter, vous laissant ainsi plonger par l’ambiance malsaine mais plaisante insufflée par le quatuor. C’est une écoute nocturne, pour ma part, qui fût la plus appropriée.


Aussi, je me dois de souligner à quel point il fut jubilatoire de deviner les références cinématographiques qui se sont collées à merveille sur la quasi totalité des titres, les quatre musiciens ont usé d’astuces trés subtilement choisies pour illustrer la haine, la violence et le désespoir de leurs litanies (« Irréversible » évoqué au début de cette chronique , mais aussi « Baise-moi », « Dupont Lajoie »,  » La servante écarlate »…), bribes de reportage (sur le massacre de Srebrenica), narration de 1984 de George Orwell sur « liberté surannée », j’ai vraiment pris un malin plaisir à découvrir cette oeuvre riche, ce travail d’orfèvre offert par le quatuor.


En guise de conclusion, je ne saurais trop vous inciter à écouter, lire, analyser et vous délecter de cet album sombre et dérangeant, qui remue les tréfonds les plus immondes de notre humanité, un beau résumé de tous les maux qui rongent notre 21 ème siècle déshumanisé, l’appel du néant fait figure d’album militant à mon sens de par les thèmes abordés, la violence qu’il nous jette à la figure, et le champ de réflexions qu’il nous ouvre avec une fin presque optimiste portée par le titre « Et pourtant, j’essaie » tel une lueur d’espoir venant éclaircir le néant.

https://salohostile.bandcamp.com/album/lappel-du-n-ant

Tracklist :

Un homme ça ne s’empêche

Le goût du sang

J’affronte la mort

Est ce là mon avenir ?

Il faut qu’il crèvent

Liberté surannée

Et pourtant, j’essaie

La cendre et le sang


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