Il y a un peu moins d’un an l’équipe d’Objectif Live avait eu un réel coup de cœur musical pour le groupe d’avant-garde métal français « Omrade », nous avions d’ailleurs consacré une interview à ses deux membres Jean-Philippe Ouamer (Arsenic) et Christophe Denhez (Bargnatt). Leur prochain album à sortir le 26 mai 2017 (ndlr Nåde) nous amène de nouveau à les rencontrer aujourd’hui.
1.Tout d’abord Bonjour à vous deux et merci de nous accorder à nouveau du temps pour nous présenter votre dernier né. Pouvez-vous nous dire sur quoi s’est porté le choix de son titre et comment se décompose votre album ?
Bargnatt : Le choix du titre est la synthèse de tous les thèmes abordés dans l’album Nåde ( qui veut dire la grâce en danois) et il nous est apparu très symbolique. La grâce est un signal très fort dans ce qu’on a voulu développer dans cet album, nous gardons l’aspect cinématographique tout en y ajoutant des touches nouvelles plus orientées vers la sensibilité humaine pure, le ressenti primaire. La grâce est donc un vecteur pour atteindre en soi un état plus serein et sans jugement de valeur ou de négation polluante issue de l’entourage.
Arsenic : nous sommes toujours dans l’ambivalence entre l’aspect sombre et lumineux, la grâce est en parfaite contradiction avec la noirceur des textes. Par rapport au titre de l’album nous nous sentons toujours très proches des groupes scandinaves qui ont marqué le black metal et l’avant-garde, du coup nous sommes partis sur un titre danois
2 . On vous sait très éloignés géographiquement, comment s’est passé l’enregistrement de cet album ? Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?
Bargnatt : Effectivement l’album a été créé entre Dubaï et Paris. Comme d’habitude nous avons échangé des fichiers durant des mois et tout a été ensuite retravaillé tous ensemble au Lower tones place studio pendant plusieurs semaines (https://www.lowertonesplacestudio.com/) avec Edgard Chevallier. Les difficultés ont été souvent dûes à nos dispos respectives, car la distance et surtout le décalage horaire ne sont pas une mince affaire, mais nous sommes très fiers d’être arrivés à créer de cette manière.
Arsenic : ce sont aussi des habitudes de travail, personnellement j’ai toujours travaillé à distance avec mes groupes et j’aime me poser seul pour chercher des sons ou des idées d’arrangement, le calme me semble essentiel, cela ne me dérange pas; en revanche c’est indispensable d’avoir des moments pour se retrouver, échanger et revoir certaines choses. En studio nous revoyons essentiellement les arrangements, voix et les guitares car elles sont très instinctives et doivent être adaptées suivant l’arrangement qui est finalement décidé. Le studio n’est pas une mince affaire car les morceaux sont denses et il faut souvent arbitrer des parties et revoir du coup le chant, les guitares ou les arrangements, on peut parfois être dérouté car habitué au morceau d’origine mais au final seul le résultat compte, si le morceau est meilleur ainsi, banco !!!
3. Pouvez-vous nous dire quelle est la thématique de cet album ? Quelles ont été vos sources d’inspiration pour la musique et les paroles ?
Bargnatt : La thématique globale de l’album s’articule autour de l’interaction entre les hommes. J’ai longuement eu le temps d’y réfléchir en étant à Dubaï et en me confrontant à d’autres réalités, d’autres cultures. Tout a été enrichissant car on part avec une certaine vision et on s’aperçoit qu’au-delà d’être dans l’erreur, on vit des instants inoubliables avec des rencontres nouvelles. L’album, d’une certaine manière, reflète aussi l’éloignement géographique ainsi que la perte de certains repères et sans m’appesantir dessus, il y a une grande déception de l’humain au regard des attentats ou encore de la politique menée dans notre pays. L’album n’est aucunement un manifeste et il n’a aucune espèce de volonté d’être politisé, les textes sont juste le reflet humain face à des situations. Nåde est d’une certaine façon beaucoup plus personnel qu’Edari dans l’écriture des textes, il y a une plus grande attention portée au message.
Arsenic : pour ma part j’évite d’être influencé par d’autres groupes, je compose plutôt à l’instinct ou parfois en fonction des paroles proposées par Bargnatt. Cela peut être aussi lors de la recherche de sons particuliers que tout se déclenche.
4. A la première écoute de « Nade » on retrouve ce son qui vous est bien particulier, peut-on dire pour autant que Nade se pose comme une suite à « Edari » son prédécesseur ?
Bargnatt : C’est un prolongement total d’Edari sur le mode de recherche sonore, mais Nåde a une dimension plus mélancolique avec une noirceur plus évidente, on garde toutefois toujours l’ombre et la lumière dans nos titres. Cela est plaisant de voir que tu as retrouvé des similitudes sonores entre les deux albums cela signe notre cohérence et la pertinence de notre musique.
Arsenic : Nåde est bien plus mature là où Edari restait très expérimental ; Edari pour nous c’était à la base un projet apéro, fait certes très sérieusement mais plus un prétexte pour être ensemble. Nous avons été assez surpris du résultat, nous avons donc décidé de continuer. Tout a changé avec les très bonnes remontées de ce premier opus, nous nous sommes investis à fond dans ce second album et les compos sont pour nous beaucoup plus approfondies mêmes si elles sont à tiroir cela reste à la fois écoutable et parfois déroutant avec ce mélange d’ambiances qui nous caractérise. Chaque morceau est aussi différent des autres avec tout de même une unité qui est identifiable par les pianos, sax et guitares.
5. De nombreux invités sont cités comme contributeurs à votre nouvel album, pouvez-vous nous les citer et nous expliquer sur quoi se sont portés vos choix ?
Bargnatt : Tout a été lié à la magie du studio et surtout au fait, que je n’avais pas revu pas mal de potes depuis longtemps. Donc le studio a été le catalyseur de tout cela. Jiu est venu poser des basses et il a su apporter une nouvelle lecture à notre titre, tout a été spontané en ambiance live. Chuck de Ghusa pose un super refrain, on a vraiment adoré bossé avec lui car il apporté une teinte nouvelle. Bernard Yves de Manurain est venu quant à lui faire un solo de guitare, il a posé un thème qui est de toute beauté. Jonathan a posé de la clarinette, il a su trouver l’inspiration sur un titre très sombre de l’album. Tout a été réalisé dans une certaine forme de camaraderie et une bonne ambiance. Edgard Chevallier a su sublimer avec son mixage tous les éléments pour en faire un tout. Cette expérience a été très enrichissante.
Arsenic : pas grand-chose à rajouter, certains moments de studio passés avec eux sont d’anthologie notamment l’enregistrement de la basse qui reste pour moi un moment épique ; plus globalement, il y a eu beaucoup d’improvisations de la part de tous ces artistes pour apporter cette fraicheur sur nos titres.
6. L’année dernière nous vous avions demandé si vous envisagiez de porter Omrade sur scène, vous nous aviez répondu que non pour tout un tas de raisons essentiellement géographiques. Est-ce toujours d’actualité ou bien est-ce que la sortie d’un nouvel album ne vous donne pas au contraire envie de jouer vos titres en live ?
Bargnatt : La réponse reste la même. On attend d’être au troisième album pour pouvoir présenter un aspect à 360 degrés de notre musique. Mais il est vrai que l’envie commence à venir surtout avec Nåde qui reste un album plus orienté live.
Arsenic : pour tout te dire, nous avons eu quelques opportunités, nous y avons pas mal réfléchi mais tourner avec Omrade reste un challenge de taille ; il faut monter une équipe qui a le niveau et un show qui retranscrive l’aspect cinématographique du projet ; à ce stade nous ne sommes pas prêts car cela signifie monter des vidéos etc ; nous n’avons ni le budget ni le temps pour le faire car nous avons toujours nos autres projets en parallèle. Si on monte sur scène un jour, cela sera pour envoyer du lourd donc on souhaite préparer cela correctement.
7. L’album comporte 8 pistes, pouvez-vous nous dire quelle est celle que vous préférez respectivement et pourquoi ?
Bargnatt : Pour ma part, je pense que le titre « Falaich » est le plus en adéquation avec l’ensemble de ce que peut proposer Omrade.
Arsenic : je dirai également « Falaich » qui est un titre épique alliant puissance et émotion avec également des touches dark, c’est également le seul morceau de l’album ou Bargnatt et moi nous retrouvons sur la partie chant de fin, c’est donc un morceau très spécial (et le dernier de l’album pour conclure en apothéose).
Sinon on pourrait citer « Malum » ou notre clip « Styrking Leið » qui à la base partait de très loin; nous l’avons tellement retravaillé en studio qu’il est devenu un des morceau phare de l’album.
8.Que diriez-vous aux personnes qui ne connaissent pas votre univers musical pour les inciter à écouter votre groupe ?
Bargnatt : Tout simplement d’être ouvert à une aventure musicale personnelle et mélancolique.
Arsenic : je pense à tous ceux pour qui le terme avant-garde fait un peu peur car il a une connotation chelou, Omrade reste un groupe accessible d’écoute malgré les différentes ambiances qui pourraient dérouter certains auditeurs. Certains morceaux sont plus barrés que d’autres mais globalement je suis convaincu que n’importe qui peut nous écouter sans être choqué car il y en a pour tous les goûts, il faut juste s’imprégner des morceaux les plus proches de vos racines musicales (jazz, electro, rock-metal etc….).
9.Concernant l’art work de cet album, vous avec collaboré avec l’artiste bordelais Jeff Grimal (à qui nous avions consacré une interview précédemment) qu’est ce qui a motivé cette collaboration et comment lui avez-vous porté ce projet ?
Bargnatt : J’ai suivi depuis quelques années le travail de Jeff. Ce qu’on a voulu en associant ces peintures à notre univers musical, c’est atteindre une sorte d’art total qui voit son prolongement dans le clip réalisé par James Jones Morris. Emmener l’auditeur dans une nouvelle attractivité de notre univers musical par le visuel. Une démarche artistique la plus englobante possible.
Arsenic : c’est Bargnatt qui a eu cette super idée ; j’avoue ne pas être trop proche de cet art à la base et n’avoir pas forcément tout compris sur le coup concernant l’interprétation de notre musique, je voulais par contre absolument ne pas interférer dans le travail de Jeff car je voulais vraiment qu’il apporte sa touche personnelle sans qu’on l’influence ; c’est vraiment après coup que j’ai mieux décortiqué ce qui avait été fait car j’avais déjà plus de recul sur le projet.
10. Pour terminer, avez-vous quelque chose à ajouter à l’intention de nos lecteurs ?
Bargnatt : Découvrez d’urgence Omrade !!!!!
Arsenic : nous sommes en phase de pré-sortie de l’album, pour ceux qui veulent nous découvrir et nous aider à continuer, c’est une superbe opportunité en ce moment car le merch est à -20% (après cela reviendra au tarif normal). Nous avons notamment des supers box-collector en tirage très limité, foncez, vous aurez notamment accès dans ces éditions à tous les détails du travail de Jeff Grimal sur chaque titre, un objet vraiment unique (et avec un tshirt en prime et bien sur l’album digipack).
Merci également à tous les lecteurs de cette interview, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter.
Objectif live remercie vivement Christophe et Jean-Philippe pour cette interview, à noter que la chronique de leur nouvel album sera à lire prochainement sur notre site.
Quelques liens utiles :
Facebook : Omradetheband
page officielle : http://omradetheband.wixsite.com/omrade
Label : http://mykingdommusic.net/
Studio : https://www.lowertonesplacestudio.com
Artwork : https://fr-fr.facebook.com/Jeff.Grimal.artwork/